Parfois, vos lectures peuvent changer le cours des choses, de votre quotidien, vous faire prendre un autre chemin.

C’est en lisant un petit entretien dans un hors-série de la revue « Pèlerin », et sur un simple coup de téléphone avec Juliette que je me suis jeté à corps perdu dans les mailles philosophiques de son association « Les Premiers Pas ». En moins de deux jours, la poste me livrait un dossier qui allait m’engager à concrétiser un projet que j’avais à cœur depuis longtemps : partir sur le Chemin de Saint Jacques de Compostelle. Marcher en quête de sens. Voilà une question qui me taraudait depuis fort longtemps. J’avais fait vœu de partir dépouillé, pauvre comme un pèlerin, mais j’ai quand même passé le seuil de la maison avec 10kg sur le dos.

J’avais lu avec attention la fiche de préparation du sac à dos adressée par Juliette. Je partais pour plusieurs jours. L’idée de ne pas revenir sur mes pas, de ne pas marcher en boucle m’excitait…

J’ai donc rejoint 10 autres pèlerins, Anne, Mathilde, Béatrice, Bernard, Sylvie, Valérie, Bénédicte, Florence, Cathy et Agnès, ainsi que Marc, notre accompagnant. Juliette ne serait pas des nôtres. L’association était ainsi organisée. J’ai donc fait connaissance de Marc le dimanche 20 septembre aux Capucins, gîte du Puy en Velay. Il m’a donné l’impression d’un homme organisé, écartant de suite les formalités administratives. Il avait disposé sur une table une douzaine de coquilles Saint Jacques qu’il distribuerait à chacun de nous au fur et à mesure de nos présentations. Et puis nous sommes allés dîner sans connaître davantage notre ami Marc..

Et ce n’est que le lendemain, lundi, jour de notre départ, que Marc nous en a dit un peu plus. Après avoir assisté à la messe de 7 heures, reçu la bénédiction du prêtre à la cathédrale du Puy, pris un solide petit déjeuner dans un café que Marc avait repéré, il nous a guidé en dehors de la ville. J’avais remarqué qu’il était très attentif, tant auprès de nous que du cafetier qui avait vu débarquer 12 pèlerins sans crier gare. Marc avait des regards et des gestes très attentifs. Il livrait une certaine empathie. Il fallait sortir du Puy et pour cela s’affranchir d’un bon dénivelé pour gagner le plateau de la Margeride. Alors que nous grimpions, Marc nous a révélé avoir à son actif 25 ans de bons et loyaux services dans l’armée. C’était un dur et il faudrait suivre.

Je n’ai ressenti durant cette semaine aucune fatigue. Une forme de 20 ans. Une moyenne de 20km chaque jour et l’endurance m’a permis de rencontrer une autre forme de bonheur, de plaisir et de joie. J’ai marché en compagnie de belles personnes. Les échanges sont très naturels sur le Chemin. On est libre. On est juste en communion avec les autres. Un vrai goût de liberté. De grands moments de solitude aussi dont on s’extirpe comme on peut, quand on veut.

Nous sommes partis du Puy en Velay par 30 degrés. J’ai senti le soleil sur ma peau… Mais nous avons aussi traversé une partie de l’Aubrac sous une tempête de neige fondue, de Aumont-Aubrac à Nasbinals. Nous avons marché sous la pluie, par grand vent.

Tout cela faisait corps avec moi et j’ai vraiment perçu les limites de l’essentiel, de la pureté tant chez les hommes qu’auprès de la nature. Ma foi a grandi. Les questions fusent sur le Chemin. On discute facilement avec Dieu. Il est présent. J’ai aussi pris l’énergie des vieilles pierres, des nombreuses chapelles, des sanctuaires à la croisée des chemins. Les éléments vous enveloppent et on n’en sort pas sans réponse à nos raisons de vivre et d’aimer.

Que dire encore des soirées que nous avons passées chez nos hospitaliers. J’en ai la chair de poule tellement l’accueil fût bon, la table généreuse et le repos réparateur. « Partir c’est un peu mourir. Écrire, c’est vivre davantage. », d’après Comte-Sponville.

Aujourd’hui, je mets sur la page blanche chaque minute de ce voyage. Je repartirai certainement au printemps prochain pour rejoindre Roncevaux et à l’automne pour gagner Compostelle. Mais je repartirai aussi, si l’occasion m’en est donnée, avec mes amis des « Premiers Pas » pour en faire quelques-uns de plus, les seconds, cette fois, qui nous permettront d’aller plus loin et de renforcer cette amitié qui s’est créée entre nous, l’amitié du Chemin.

Je félicite Juliette pour la création des Premiers Pas. Une association dont la philosophie n’est autre que l’hospitalité, cette valeur emblématique du Chemin de Saint Jacques de Compostelle. Et je remercie encore Juliette de nous avoir confiés aux mains et aux pas de Marc. Il sait donner cette hospitalité avec discrétion, empathie, humilité. Il est tour à tour pèlerin et hospitalier.

Bravo Marc. Merci Juliette. Merci à vous deux de nous avoir rendu ce que le Chemin vous a donné.

 

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